Plan énergie et climat communal: 1 année après

Interview de Philippe Staub, conseiller municipal à Essertines-sur-Rolle
8 mai 2023 par
Plan énergie et climat communal: 1 année après
eqlosion


Créé en 2021 par le Canton de Vaud, le PECC (Plan énergie et climat communal) est un programme de soutien de quatre ans, élaboré pour les communes de moins de 10’000 habitant-es. Il comprend des subventions pour un accompagnement par un bureau spécialisé en durabilité, mais également des formations pour les élus, des fiches d’actions et plusieurs outils.


Aujourd’hui à la retraite, Philippe Staub a travaillé auparavant dans le domaine de l’imprimerie en tant qu’ingénieur, puis à l’EPFL comme contrôleur financier. Il est actuellement conseiller municipal à Essertines-sur-Rolle, une commune de 750 habitant-es située dans le district de Nyon. Responsable du PECC, il vient de terminer l’état des lieux de la commune qui inclut son bilan carbone. Il prépare maintenant la mise en oeuvre des actions qui seront déployées lors des trois prochaines années du programme.

Comment vous est venue l'idée de commencer le PECC?

Nous avons commencé à mettre en place des mesures environnementales avant le début du PECC. Ma collègue conseillère municipale, Mme Moinat, est très engagée dans la transition énergétique. Elle a organisé une conférence à Essertines-sur-Rolle sur les changements climatiques et a lancé diverses initiatives au niveau de la population. Il y a eu notamment le lancement d’un verger participatif et la création d’une association, Réseau climat et biodiversité. Cette dernière est constituée de groupes d’habitant-es, une trentaine de personnes en tout, qui travaillent sur des thématiques comme la biodiversité ou encore l’énergie. En tant que représentant de la Municipalité dans cette association, j’ai trouvé qu’il fallait valoriser et compléter cet engagement citoyen en y apportant un contexte plus général. L’idée du PECC est alors venue progressivement. L’ensemble de la Municipalité était d’accord, trouvant que cette démarche répondait aux attentes de la population. Ma participation à un atelier de travail organisé par le Canton a fini de nous convaincre.

Quelle a été la plus grande difficulté rencontrée pendant la première année du PECC?

Les petites communes comme la nôtre ne disposent pas d’une grande administration avec plusieurs services. Aussi, le travail du PECC retombe sur les conseiller-ères municipaux-ales et j’ai dû rassembler moi-même les données pour l’établissement du bilan carbone. Il faut parfois piocher dans des archives car tout n’est pas digitalisé. Mais j’ai malgré tout eu du plaisir à le faire.

Quels sont les principaux résultats de votre état des lieux/bilan carbone? Vous ont-ils surpris?

Les objectifs de réduction de gaz à effet de serre fixés par le Canton et basés sur l'Accord de Paris sont très ambitieux. Le groupe “énergie” de notre association a fait des simulations d’investissements pour décarboner notre commune et les montants estimés sont énormes. Globalement cela représenterait un investissement total de 100 millions de francs. L’état des lieux nous a également fait prendre conscience des mesures qu’il faut mettre en place pour adapter le territoire en prévision des changements climatiques. Nous souhaitons par exemple planter des arbres dans le village et sa périphérie afin de créer des zones d’ombrage.

Est-ce que certaines mentalités/croyances ont évolué suite aux résultats de l’état des lieux?

Il y a eu en effet une prise de conscience chez mes collègues et moi et c’est impressionnant de voir comment notre manière de penser a évolué en une année sans que ce soit quelque chose de forcé ou contraignant. Le changement s’est ressenti jusque dans notre manière de gérer les plus petits dossiers à l’image de notre décision d’interdire la vaisselle jetable aux locataires de notre grande salle communale. Nous sommes dorénavant plus sensibles à tous les petits gestes et voulons adapter notre façon de travailler, de consommer et de recycler pour tous les domaines. Mes collègues et moi sommes tous issus de milieux différents, avec des intérêts et des formations différents. Mais le PECC nous a soudés sur un objectif commun et nous sommes maintenant plus unis pour prendre des décisions car nous avons acquis une même culture. Avant d’entamer cette démarche, nous ne connaissions même pas clairement les positions des uns et des autres. De plus, tout le monde n’était pas toujours au clair avec la problématique, tant elle est complexe. Le PECC a par conséquent été l’occasion d’ouvrir le dialogue et de se positionner.

Comment s’est passée la collaboration avec la population lors de la démarche participative?

Je trouve important d’impliquer et de consulter la population dans la démarche PECC, même si c’est compliqué. Il y a beaucoup de personnes intéressées mais, lorsqu’il faut libérer du temps, toutes ne viennent pas. Notre démarche participative s’est déroulée un samedi après-midi sous la forme d’un atelier. Nous étions entre trente et quarante personnes sur les 750 habitant-es que compte la commune. C'était un beau moment avec une bonne ambiance. Les gens étaient motivés. Un questionnaire en ligne a permis aux personnes qui n’étaient pas présentes de nous soumettre leurs idées et suggestions. Ces retours nous ont confortés dans nos choix d’axes prioritaires pour définir les objectifs du PECC.

Quelles sont les prochaines étapes?

Nous avons élaboré un plan d’actions axé principalement sur la biodiversité et l’énergie. Nous avons entre autres déjà mandaté un expert pour faire l’inventaire des talus et des haies. Il nous a expliqué comment les entretenir de manière à préserver la faune et la flore. En bref, il faut moins tailler et moins faucher pour laisser pousser certaines plantes ou encore permettre aux oiseaux de nicher. Les forêts, quant à elles, ne peuvent plus être laissées en autoproduction car plusieurs essences souffrent. Le groupement forestier a déjà commencé la plantation de variétés plus résistantes telles que le chêne. Pour l’eau, des mesures ont déjà été prises au fil des ans avec des bassins de retenue en cas de crue, mais nous avons encore des projets à mener. Quant à l’axe de l’énergie, plusieurs projets sont également prévus, dont certains ont commencé avant le début du PECC. Actuellement, la seule source d’énergie renouvelable sur le territoire est le photovoltaïque et seulement 4% des bâtiments en sont équipés. C’est pourquoi, avec l’aide de notre association citoyenne, nous souhaitons lancer des appels d’offres groupés pour les installations photovoltaïques. En parallèle, nous travaillons aussi à la mise en place d’une coopérative dont l’objectif est de financer des installations PV en droit de superficie. Quant aux bâtiments communaux, l’objectif est de tous les couvrir de photovoltaïque. De plus, nous sommes en phase de pré-étude pour le remplacement de la chaudière à plaquettes par un système de cogénération (des plaquettes de bois qui sont gazéifiées au lieu d’être brûlées afin de produire de la chaleur mais aussi de l’électricité). Un dernier point important est notre projet de parc éolien qui est actuellement en pré-consultation auprès du Canton. Les nombreuses études qui sont faites dans ce cadre peuvent être utiles également pour le PECC. De plus, les quatre éoliennes prévues apporteraient des moyens financiers supplémentaires pour aider à réaliser des nouvelles actions.

Quels conseils donneriez-vous à des conseiller-ères municipaux-ales qui souhaitent commencer un PECC?

Je leur conseille tout d’abord de se concerter entre eux de façon à se répartir les différents domaines couverts par le PECC en fonction de leurs intérêts. C’est ce que nous avons fait avec mes collègues, même si je reste le plus impliqué. Un PECC représente beaucoup d’heures de travail que nous ne pouvons pas économiser sur d’autres tâches communales. Il faut alors être prêt à donner de son temps privé pour son village. Normalement, mon travail de conseiller municipal correspond environ à un 20% avec parfois des surplus. Avec le PECC, il a presque doublé certaines semaines. Heureusement, la grosse partie a été faite par eqlosion. Et je dirais aussi qu’il ne faut pas se décourager. J’ai parfois eu l’impression de travailler dans le vide mais, à la fin, les pièces du puzzle s’assemblent et ça en vaut la peine. Aujourd'hui j’en tire un bilan très positif pour ma commune et pour moi.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose?

Cette première année du PECC était dédiée à l’état des lieux de la commune, pour prendre connaissance de son territoire, de sa consommation et de son potentiel d’amélioration. Ce travail a été très utile également au-delà du PECC. Nous connaissons maintenant mieux notre territoire et avons une meilleure base pour définir notre stratégie de développement communal et planifier nos actions sur le long terme.