Fanny Gabioud est diplômée d’un Bachelor en sciences de l’environnement et d’un Master en durabilité. Après ses études, elle a d’abord travaillé à la Commune de Montreux en tant qu'assistante aux délégué-es à l’énergie et à la durabilité. Cette expérience lui a permis de mieux comprendre les défis auxquels une administration publique est confrontée.
Christelle Giraud est associée chez eqlosion. Après des études de droit et un parcours dans la finance, elle a réorienté sa carrière et obtenu un diplôme de conseillère en environnement. Par ailleurs, depuis 2021, elle est également conseillère municipale chargée du dicastère infrastructures et environnement à la Ville de Gland. Cette double casquette lui permet d’allier des compétences métiers liées à la durabilité avec des considérations d’ordre politique.
Pouvez-vous expliquer en quelques mots en quoi consiste un PECC?
F. Gabioud: Le Plan énergie et climat communal (PECC) est un programme créé en 2021 par le Canton de Vaud pour aider ses communes à s’aligner sur ses objectifs environnementaux. Le Canton a déjà fait son propre plan climat. Il s’est fixé des objectifs précis pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux changements climatiques d’ici 2030 et 2050. Aussi, il propose aux communes de participer à cet effort et offre son soutien pour cette démarche à celles qui en ont besoin.
Quels sont les principaux objectifs à atteindre dans un PECC?
C. Giraud: Les PECC permettent aux communes de disposer d’un fil conducteur pour les décisions communales en matière d’énergie et de climat. Ils facilitent la mise en œuvre d’actions concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ou mettre en place des mesures d'adaptation aux changements climatiques. Les actions visent par exemple à développer les énergies renouvelables, à mettre en place un suivi et une optimisation énergétiques des bâtiments, à encourager le report modal en améliorant les infrastructures pour piétons et vélos, à lutter contre les espèces exotiques envahissantes, ou encore à mettre en place des mesures pour protéger la population des conséquences des canicules en végétalisant des espaces construits et ainsi lutter contre les îlots de chaleur.
Finalement, les PECC sont aussi un vecteur de communication et de formation pour les autorités et le personnel administratif de la commune ainsi que pour la population. Ils permettent notamment aux municipalités d’informer les habitant-es sur les mesures qu'elles entreprennent ou qui ont déjà été prises, d’expliquer quelles seront leurs étapes, leurs calendriers, et quels sont les acteurs impliqués. C’est une opportunité d’échanges entre les autorités et tous/toutes les usager-ères du territoire. Ces derniers-ères sont aussi invité-es à exprimer leurs besoins et à s’impliquer. Les PECC devant être portés par une municipalité in corpore, ils forcent également les conseiller-ères municipaux-ales n’ayant pas les mêmes sensibilités sur le climat à réfléchir ensemble.
Pouvez-vous expliquer comment se construit un PECC? Quelles sont les principales étapes?
F. Gabioud: Un PECC a une durée de quatre ans. La première année est principalement consacrée à sa rédaction. Pour cela, nous commençons par réaliser un état des lieux de la commune. Nous regardons les mesures qu’elle a déjà prises et celles qui sont en cours sur les thématiques du PECC. Nous faisons également le bilan énergétique et d’émission de gaz à effet de serre du territoire de la commune et de son administration, et nous mettons en évidence les enjeux liés à l’adaptation du territoire communal. Ensuite, sur la base de l’état des lieux, nous la conseillons sur les objectifs à fixer pour 2030. Ceux-ci doivent être précis et chiffrés. Pour finir, nous établissons un plan d’actions à mettre en œuvre durant les trois années suivantes et pour lequel nous assurons bien sûr le suivi. Nous nous chargeons de contacter des bureaux spécialisés et d’assurer la coordination avec eux. Nous avons en effet une bonne connaissance de l’écosystème de la durabilité dans le Canton de Vaud et savons qui contacter et comment obtenir des subventions. C’est pourquoi nous proposons aussi d’établir un budget ainsi qu’un plan de communication pour la population.
Si les communes peuvent recevoir des subventions pour réaliser certaines actions de leur PECC, peuvent-elles également demander des subventions pour la rédaction de celui-ci? Quels sont les critères à remplir pour les obtenir?
F. Gabioud: En effet, le Canton octroie aux communes des subventions pour réaliser leur plan énergie et climat communal. Néanmoins, ces subventions sont réservées aux petites communes de moins de dix mille habitant-es qui n’ont pas de personnel dédié aux questions énergétiques et climatiques. Les communes doivent alors obligatoirement joindre à leur demande de subventions l’offre et les références du bureau qu’elles mandatent pour les accompagner. À ma connaissance il y a quarante-cinq communes qui ont déjà fait une demande de subventions dont dix qui travaillent avec nous.
Est-ce que le Canton alloue le même montant à toutes les communes qu’il accepte de subventionner?
F. Gabioud: Oui, toutes les communes reçoivent le même montant. Il correspond à CHF 12’500.- répartis sur les quatre ans. Chaque année, pour recevoir le prochain paiement, des documents doivent être remplis et envoyés au Canton pour démontrer l’avancée du PECC. Cet argent permet de couvrir environ 50% du prix d’un PECC, autrement dit 50% du prix de l’accompagnement par le bureau qui va se charger de rédiger et coordonner le PECC. Les réalisations des actions choisies ne sont pas comprises dans ce montant. Elles peuvent toutefois faire l'objet d'autres subventions.
Est-ce que le Canton propose aux communes d’autres outils pour les aider?
F. Gabioud: Le Canton a créé pour elles un catalogue comprenant vingt-et-une fiches qui chacune propose des idées d’actions, les subventions qui existent pour les mettre en œuvre ainsi que les résultats attendus. Il propose aussi des formations pour les élu-es communaux-ales et pour leur administration. Elles permettent d’apprendre ce qui est attendu d’un PECC et comment mener à bien des actions environnementales telles que s’occuper des cours d’eau, rénover des bâtiments, faire des achats responsables, etc. Finalement, le Canton a encore développé une structure de plan climat et un outil de bilan carbone simplifié que nous remplissons à l’aide des données fournies par les communes. Par conséquent, lorsque nous travaillons sur un PECC, nous ne partons pas de zéro.
C. Giraud: Le Canton nous fournit également un outil en ligne pour établir le profil énergétique des communes. C’est une sorte de photographie qui présente la consommation d’énergie pour la chaleur (chauffage et eau chaude sanitaire) sur leur territoire. Il y a aussi des groupes d’échanges et des rencontres régulières qui sont organisés entre les communes, les bureaux spécialisés et le bureau de la durabilité du Canton. Leur objectif est de permettre aux communes d'échanger entre elles mais aussi de mutualiser leurs services et créer des synérgies. Les communes ont tendance à travailler en silo et ces échanges permettent d’y remédier. Les rencontres sont aussi organisées entre les bureaux pour leur permettre un travail en réseau, car certains peuvent être des bureaux spécialisés, alors que d’autres, à l'instar d’eqlosion, sont des bureaux plus généralistes.
Les communes doivent-elles impérativement réaliser certaines actions?
C. Giraud: Pendant les quatre ans que dure le PECC, les communes doivent effectuer un minimum de dix actions spécifiques parmi lesquelles trois leur sont effectivement imposées. Celles-ci sont: 1) Favoriser l’engagement de la population notamment au travers de démarches participatives, 2) renforcer la biodiversité pour accompagner les changements climatiques et 3) faire une planification énergétique territoriale, autrement dit mener une étude sur l’approvisionnement en énergie qui permet d’anticiper les besoins futurs et de favoriser les énergie renouvelables. Les sept autres actions à entreprendre - voire davantage si la commune le souhaite - sont choisies en fonction des enjeux identifiés et des besoins propres au territoire.
Pouvez-vous préciser ce qu’est une démarche participative? Est-ce que toute la population peut y prendre part?
F. Gabioud: Engager la population dans la démarche est, comme indiqué ci-dessus, l’une des trois actions obligatoires lors d’un PECC et également une action que nous réalisons nous-même chez eqlosion. Il s’agit de faire participer la population à la construction et à la mise en œuvre du plan climat. Pour le moment, nous n'avons organisé que des démarches participatives pour lesquelles tous/toutes les habitant-es étaient invité-es, y compris les sociétés locales et les associations et entreprises du territoire communal. Mais d’autres manières de faire sont envisageables. Les démarches participatives se font sur mesure, en fonction des envies des municipalités. Nous regardons avec elles quelles sont leurs attentes, à quelles étapes elles souhaitent consulter la population, sur quels sujets et de quelle manière. Nous recommandons chaque fois d’organiser un sondage en ligne - une manière d’atteindre la population à distance - ainsi qu’une démarche en présentielle sous forme d’ateliers ou d’expositions participatives. Avec l’aide des municipalités, nous pouvons ainsi répondre aux questions, expliquer ce qu’est un PECC et nous joindre aux réflexions. La population doit pouvoir donner son avis et partager ses idées et besoins pour les thématiques du PECC, ce qui va aider les communes à prioriser les actions à entreprendre. C’est aussi l’occasion d’expliquer les limites de ce que les communes peuvent faire car certains domaines sont du ressort du Canton ou de la Confédération.
C. Giraud: La préservation du climat est un enjeu central de notre société. Il s'agit d’un sujet complexe, parfois abstrait, qui semble pour certains et certaines éloigné dans le temps. Or la transition énergétique et l’adaptation aux changements climatiques peuvent apporter des bénéfices immédiats pour notre qualité de vie. Il est dès lors important que la population soit sensibilisée mais également impliquée dans la construction de solutions. La démarche participative permet ainsi d’impliquer, d’accompagner et de fédérer la population dans la définition et la réalisation d’actions concrètes.
Quels sont les intérêts pour une commune de réaliser un PECC? Est-ce qu’en réaliser un est obligatoire?
C. Giraud: Réaliser un PECC n’est aujourd’hui pas obligatoire, mais chaque commune doit pouvoir s’adapter aux enjeux climatiques et aux demandes de la population. Le plan énergie et climat permet de mettre en place une politique publique pour répondre aux enjeux des changements climatiques. Toutes les communes que nous rencontrons ont déjà mis en place des mesures environnementales avant notre intervention sauf que ce sont souvent des mesures isolées. Il est alors difficile pour elles de savoir si ces mesures ont un réel impact et si elles répondent à de véritables enjeux. Ces dernières sont souvent aussi disparates et sans vraie stratégie climatique. Ce que les PECC essaient de remédier. Ils donnent une colonne vertébrale pour les structurer, les coordonner et les développer.
Est-ce qu’il y a des difficultés qui reviennent de manière récurrente d’un PECC à l’autre?
C. Giraud: Une difficulté est de vulgariser les enjeux climatiques tant pour les conseiller-ères municipaux-ales que pour l’ensemble de la population, que ceux/celles-ci soient convaincu-es de l’urgence climatique ou pas. Ce qui facilite notre travail est qu’aujourd’hui ces enjeux reviennent régulièrement dans les médias et dans les conversations. Leur vulgarisation reste cependant importante surtout lorsque certains sujets deviennent techniques. Une autre difficulté est que nous travaillons avec des petites communes qui ont peu de personnel et de services techniques. Or, nous avons besoin d’avoir un/une répondant-e avec qui travailler pour notamment nous transmettre les données - principalement liées à l’énergie (chauffage et électricité), à la mobilité et aux consommations - qui nous sont indispensables pour effectuer l’état des lieux et le bilan carbone de la commune et de son administration. C’est par conséquent souvent un/une des conseiller-ères municipaux-ales qui doit se charger de les récolter, ce qui est parfois difficile et chronophage. C’est une tâche à ne pas sous-estimer.