Le consensus scientifique sur le réchauffement climatique est également valable pour l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des dangers naturels qui en découlent. Nous avons demandé à l’ECA (Etablissement d'assurance contre l'incendie et les éléments naturels du Canton de Vaud) quelle est la situation dans l’arc lémanique, à quoi la région doit se préparer et quelles mesures peuvent être prises.
Pouvez-vous présenter l’ECA et son centre de compétences prévention?
L’ECA, dont la souscription est obligatoire pour tous les particuliers, entreprises et collectivités, est une entreprise autonome de droit public qui assure les bâtiments construits ou en construction ainsi que tous les biens mobiliers contre les dommages dus aux incendies et aux éléments naturels. Seuls les tremblements de terre ne sont pas pris en compte. De plus, déployant une gestion intégrale du risque, l’ECA prend simultanément en charge la protection des personnes et des biens à travers la prévention, l’organisation, l’équipement et la formation des services de défense incendie et secours. Nous travaillons tous deux à la division prévention dont l’unité opérationnelle gère entre autres les incitations financières, les autorisations de permis de construire dans les zones de dangers en ce qui concernent les éléments naturels et les inspections de certains bâtiments sensibles. La division prévention possède également un centre de compétences dont les missions sont l’analyse de risque, le développement et la mise en œuvre des stratégies, la communication, la formation ou encore la veille technologique.
Quel est l’impact du changement climatique sur ces dangers?
Selon les scientifiques, les événements extrêmes et violents seront de plus en plus courants. Il n’est pas facile de les prédire de manière exacte, mais nous savons que nos régions connaîtront des précipitations plus rares mais plus intenses avec des épisodes de sécheresse et, à l’inverse, des inondations et des tempêtes. Les régions de montagne seront sans surprise les plus touchées par les dangers gravitaires, comme les zones proches des rivières seront plus à risque d’inondations. Les problèmes de ruissellement peuvent quant à eux avoir lieu partout mais sont plus importants dans les zones urbanisées dont les sols imperméabilisés n’absorbent pas l’eau. Le tableau ci-dessous montre l’augmentation de la sinistralité même si les montants doivent être nuancés. Il y a en effet de plus en plus de bâtiments construits. De plus, avec la pression sur le territoire, les nouvelles constructions émergent un peu partout, y compris sur des terrains inappropriés, et sont parfois moins robustes que les vieilles maisons en pierre ou en bois. Il faut également compter le poids de l’inflation et son impact sur les matériaux de construction dans l’augmentation des coûts. Néanmoins, les statistiques montrent que la fréquence et l’intensité des événements naturels et des sinistres ont bel et bien augmenté.
Source: ECA
Quels dangers naturels sont les plus fréquents ?
Quelles mesures de prévention peuvent être prises par les communes, entreprises et particuliers ?
De multiples solutions existent. Les sols et les toits peuvent être végétalisés partout où cela est possible pour les rendre perméables. Des bassins souterrains et extérieurs peuvent également être installés. Dans certaines villes, des architectes ont construit des bâtiments sur pilotis ou encore des places de jeux en forme de cuvettes pour retenir l’eau de pluie. Toutes les mesures ne relèvent cependant pas de la seule responsabilité des collectivités publiques.
L’agriculture a également un rôle important à jouer. Elle peut notamment orienter l’eau via des sillons et rendre les sols plus perméables par le choix des essences qui y sont plantées ou par l'installation de haies entre les parcelles. Celles-ci ont été ôtées dans le passé car elles prennent de la place, font de l’ombre aux cultures et embêtent le passage des tracteurs. La Confédération donne actuellement des subventions aux agriculteurs possédant des haies et d’autres acteurs pourraient faire de même, d’autant plus qu’elles favorisent également la biodiversité.
A l’ECA, nous ne sommes cependant pas des spécialistes en agriculture et notre rôle consiste plutôt à promouvoir les mesures individuelles pour protéger les bâtiments, si possible en amont de leur construction. Pour ceux déjà bâtis, certains matériaux peuvent être remplacés par d’autres moins vulnérables ou des mesures de protection peuvent être ajoutées. En ce qui concerne la grêle, il existe des certifications assurant la résistance des matériaux pour les façades, les tuiles, les stores et même les panneaux solaires. De plus, comme les stores sont plus fragiles que les vitres, nous proposons d’installer gratuitement des boitiers qui lèvent automatiquement les stores électriques lorsqu’ils détectent la grêle. Pour les inondations, il faut penser à des modelés de terrain pour acheminer l’eau dans la meilleure direction, au rehaussement des sauts de loup ou encore à l’utilisation de portes étanches.
Est-ce que les politiques d’adaptation actuelles répondent aux enjeux?
Nous ne pensons pas que la politique dans notre canton soit un frein concernant l’adaptation du territoire et des bâtiments. Le Canton de Vaud agit déjà dans le bon sens avec le programme PECC (plan énergie et climat communal) qui est un projet cantonal utile pour encourager l’adaptation. De plus, depuis 2015, il y a la création de cartes qui répertorient les zones de dangers naturels ou comportant des déficits de protection. Tous les dangers y sont présentés, sauf ceux liés à la météo qui ne peuvent pas être localisés a priori. En observant les bâtiments sinistrés, nous soupçonnons néanmoins l’existence de « couloirs à grêle » sur le territoire vaudois car la région lausannoise est par exemple moins touchée en comparaison avec la Côte. Une cartographie basée sur ces observations est d’ailleurs en cours de production.
Quelles sont les aides proposées par l’ECA aux différents acteurs?
A l’instar de la Confédération et du Canton, nous proposons aux communes et aux propriétaires une participation financière et des prestations de conseil pour les équipements de protection. Cinq millions peuvent être prélevés annuellement sur les bénéfices de l’ECA en faveur d’un fonds qui permet de financer jusqu’à 50% des études et mesures entreprises pour protéger les bâtiments. Nous dispensons également des formations aux professionnels comme les architectes ainsi qu’aux représentants des communes et nous nous tenons à leur disposition ainsi qu’à celle de l’ensemble de la population pour répondre aux questions ou donner des conseils, même sans travaux prévus. Nous collaborons avec de nombreux partenaires dont des ingénieurs, hydrologues et géologues et leurs associations professionnelles en organisant entre autres des workshops. Nous relayons aussi le contenu proposé par notre association faîtière AEAI (Association des établissements cantonaux d’assurance incendie) comme le site internet qui donne des exemples concrets de mesures de protection à prendre contre les dangers naturels.
Quels risques subsistent pour un bâtiment après l’obtention d’un permis de construire?
L’obtention d’un permis de construire peut sembler complexe car c’est lors de cette procédure que chaque service sollicité, y compris l’ECA, vérifie que les bases légales sont respectées. Nous n’en délivrons qu’environ 1200 par an sur les quelque 200’000 bâtiments que compte le Canton car ils ne sont demandés que pour autoriser des travaux ou la construction de nouveaux bâtiments. Ils sont pourtant le seul outil qui oblige les propriétaires à prendre des mesures contre les dangers naturels dans les zones où les dangers gravitaires sont cartographiés, ce qui représente environ 25% du territoire vaudois. De plus, les dangers météorologiques comme la grêle ou le ruissellement ne sont pas pris en compte. Une nouvelle base légale devrait néanmoins venir prochainement en ce qui concerne le ruissellement. Cette problématique sera également intégrée dans les PGEE (plans généraux d’évacuation des eaux) et dans la loi sur l’aménagement du territoire.